Mixité : public/privé, un combat à armes inégales

lundi 19 juin 2023
par  Snes S3 MC

 L’enseignement privé et la ségrégation scolaire

La carte des IPS, un révélateur des inégalités sociales
La ségrégation sociale à l’école est évidemment d’abord liée à la ségrégation spatiale, très forte dans l’académie de Versailles, mais les différents projets de révision de la carte scolaire évacuent toujours la question de l’enseignement privé.
Il n’est pourtant aujourd’hui plus possible de le nier : la publication par le ministère de l’IPS (indice de position sociale) des établissements a confirmé de manière irréfutable le rôle aggravant de l’enseignement privé dans ce phénomène. Ainsi, dans notre académie, parmi les 10 lycées aux IPS les plus élevés, figurent 7 lycées privés et 3 lycées publics aux profils dérogatoires comme le lycée franco-allemand de Buc qui affiche l’IPS le plus haut de l’académie (159), juste devant le lycée privé Daniélou ( IPS de 154). A l’opposé, le lycée professionnel Arthur Rimbaud de Garges-Lès-Gonesse affiche un IPS de 71.6.
Si les établissements privés sont plus nombreux dans les villes socialement favorisées, ils existent aussi dans les banlieues populaires où ils captent les élèves de classes moyennes et supérieures. A Argenteuil, le collège privé Saint-Joseph affiche par exemple un IPS de 126, alors que les IPS des collèges publics vont de 74 à 92 !

  • vous retrouverez l’ensemble des IPS sur le site du ministère : collèges et lycées
  • vous pouvez lire les analyses de Michel Galin, militant de la FSU sur les inégalités entre lycées en Ile de France, avec une comparaison entre le public et le privé sur son blog
  • l’exemple de l’Essonne sur notre site

 La seule proposition du gouvernement et des collectivités territoriales en Ile de France : favoriser l’enseignement privé !

Face à cette réalité devenue évidente et rendue publique, le ministère a demandé aux établissements privés de participer aux effort de mixité scolaire qu’il prétend vouloir mettre en oeuvre. Cela s’est traduit par la possibilité pour les collèges privés à l’IPS le moins élevé de signer des CLA (contrats locaux d’accompagnement) et d’obtenir ainsi des moyens supplémentaires.
Cependant, le secrétaire général de l’enseignement catholique a refusé catégoriquement de renoncer à ce qui fait « la spécificité » de ses établissements : la sélection des élèves (grossièrement masquée par des formules creuses comme « l’adhésion des familles aux valeurs et au projet de l’école »). Davantage d’ouverture aux milieux populaires pourrait donc concerner ... les excellents élèves, que les établissements privés ne rechigneraient pas à prendre au public et à s’enorgueillir de « faire réussir » en échange de moyens supplémentaires de l’Etat. Le beurre et l’argent du beurre en quelque sorte, car la ségrégation opérée par l’enseignement privé n’est pas seulement sociale, mais aussi scolaire, les premiers critères de sélection étant le bon niveau académique et un comportement discipliné ...

Sans aucun engagement de mixité de sa part, l’enseignement privé est déjà largement choyé par le gouvernement et les collectivités territoriales.
Il convient de rappeler que l’abaissement à 3 ans de la scolarité obligatoire en 2019 a déjà été pour les établissement privé un formidable cadeau, puisque les municipalités doivent désormais financer le forfait scolaire des écoles maternelles privées.
Vous trouverez sur le site national du SNES, une analyse détaillée des politiques menées par le gouvernement ici et ici

Des politiques régionales en faveur des lycées privés : l’exemple du lycée privé Sainte Geneviève de Versailles
Un million d’euros, c’est l’enveloppe que va recevoir le lycée privé Sainte-Geneviève (Ginette) de Versailles de la part de la région Ile-de-France. Cette subvention exceptionnelle (trois fois le budget moyen de fonctionnement d’un lycée public…) n’est en rien une obligation légale de la Région contrairement au forfait d’externat. Elle est destinée à financer une opération de rénovation et va donc très concrètement enrichir une association cultuelle catholique avec l’argent du contribuable… Elle va aussi permettre de ne pas augmenter les frais d’inscription déjà astronomique (de 5 887 € à 19 481 € !)… Et le lycée Ginette n’est pas le seul concerné (500 000 euros pour Stanislas à Paris par exemple). La Région distribue 6 millions d’euros en Ile-de-France avec des inégalités territoriales particulièrement marquées : dix fois plus d’argent distribué dans le 75, 78 et 92 que dans le 93 ou le 95 !
Ces subventions sont d’autant plus scandaleuses que les lycées publics d’Ile-de-France ont connu une baisse catastrophique des budgets, allant parfois jusqu’à 50% de leur dotation ! (voir l’article sur notre site ). Rappelons également que les lycées privés permettent aux familles les plus favorisées de ne pas mélanger leurs enfants avec des élèves de milieux sociaux défavorisés (ou simplement un peu moins favorisés) et cela en profitant de l’argent public. C’est ce qu’a bien pointé le tout récent rapport de la Cour des comptes : 10 milliards versés par l’État et les collectivités territoriales avec un contrôle quasi inexistant pour des établissements à 96 % catholiques, et un « net recul » de la mixité sociale au sein de ses établissements depuis 20 ans…. La messe est dite…