[91] Kit de survie au prof bashing

Répondre à votre tonton gênant
jeudi 14 novembre 2024
par  Snes S2 Essonne

Etant donnée l’atmosphère ambiante de prof-bashing, il vaut mieux vous préparer dès maintenant pour vos prochains dîners de famille. Quelques éléments pour répondre à votre tonton gênant et justifier que vous soyez en grève et dans la rue le 5 décembre !

1/ « Les profs, ces privilégié.es qui n’ont qu’un seul jour de carence »
Rappel, on appelle « délai de carence » la période comprise entre le jour où la maladie est constatée et celui à partir duquel les indemnités journalières sont payées par la Sécurité sociale. Ce délai est aujourd’hui de trois jours. Cependant, dans les faits, une grande partie des salarié.es continue de percevoir son salaire.
En fait Tonton, on adorerait être traité comme tout le monde ! En effet, un rapport de l’IGAS de septembre 2024 explique que dans le privé, « 70 % des salariés bénéficient d’un maintien du salaire par l’employeur » dès le premier jour de carence.
PS : pensée aux collègues contractuels, AED et AESH qui ont déjà les trois jours de carence.

2/ « Les profs et les fonctionnaires, ces rien-foutistes qui bossent moins que les autres. »
Ben, pas si sûr, Tonton. C’est vrai que sur les plateaux de télé, tu peux voir le gouvernement expliquer que les absences ont explosé et qu’un écart s’est creusé entre le public et le privé. Et peut être même que comme M Kasbarian, tu vas me citer « le rapport de l’Igas. » Hélas, un peu comme nos élèves, vous ne lisez jamais les documents jusqu’au bout…
D’abord, le rapport explique que la croissance globale de l’absentéisme, privée comme public, s’explique largement par l’épidémie de Covid, « à l’origine des deux tiers de la progression des absences pour raison de santé constatée entre 2019 et 2022 dans le régime général. »
Ensuite, sur la différence public/privé, le même rapport précise que « les caractéristiques des agents et de leurs emplois expliquent 95 % des écarts de taux d’absence avec le secteur privé pour la Fonction Publique d’Etat et la Fonction Publique Hospitalière et 53 % pour la Fonction Publique Territoriale. » En effet, les fonctionnaires sont un corps davantage féminisé, en moyenne plus âgé de trois ans que le secteur privé. Et comme Tonton t’es tatillon (à répéter 5 fois très vite), les rapporteurs indiquent que la part inexpliquée, notamment pour la Territoriale, « pourrait être justifiée par d’autres caractéristiques. »
Et les profs alors ? On sait bien que ceux là, c’est les pires. Et bien il n’y a aucune différence entre les enseignant.es et les salarié.es du privé concernant les absences :11,7 jours.

3/ « Les profs, on va les remettre au boulot, et vite ! »
Beau et louable projet, Tonton ! Sache qu’un rapport de l’INSEE porte spécifiquement sur les profs. Il est intitulé « Quel est l’effet du « jour de carence » sur les absences pour maladie des personnels de l’Éducation nationale ? »
Que dit-il ? Certes, le taux d’absence diminue avec le jour de carence : « l’effet estimé est de -44 % pour les [arrêts] d’un jour, -26 % pour les [arrêts] de deux jours, -25 % pour les [arrêts] de trois jours. » Mais attention, le même rapport précise que « [cela ne signifie pas] une réduction des absences qui seraient injustifiées. » En effet, « l’introduction du jour de carence peut encourager les personnes malades à travailler. »
En fait, les résultats du rapport sont sans appel. « les femmes et les personnes travaillant [en REP] continuent de s’absenter plus fréquemment lorsque le jour de carence est appliqué, ce qui les pénalise financièrement. » Dit autrement Tonton, en allongeant le délai de carence, tu t’en prendrais directement aux femmes et aux profs de REP.
Comme il est toujours enthousiasmant de parler féminisme avec un tonton gênant, vous pouvez rappeler que la recherche donne plusieurs causes aux absences plus nombreuses des femmes : outre des absences qui leur sont spécifiques comme l’endométriose, on peut citer la charge du foyer, source de fatigue (double journée) et de stress (charge mentale) ou tout simplement le fait que les femmes prennent davantage leur jour si leur enfant est malade.

4/ De toute façon, vu la situation, tout le monde doit faire des efforts !
Vous avez la flemme de vous lancer dans une discussion « fiscalité » avec Tonton ? On le comprend. Notre conseil, lui rappeler qu’en matière d’éducation justement, tout le monde ne fait pas autant d’efforts !
L’école privée c’est entre 8 et 9 milliards d’euros par ans. Le rapport de l’OCDE « Regards sur l’éducation 2024 » souligne qu’en France l’investissement dans les écoles privées est supérieur à la moyenne  : « 73 % du financement de ces écoles provient de sources publiques. La moyenne de l’OCDE est de 59 % »
De plus, l’école privée est favorisée par rapport au public en terme d’heures par élève. Une générosité qui honore la puissance publique sans aucun doute mais selon une enquête de France info, si le privé était soumis à la même règle que le public, il devrait voir fermer 2 040 postes.
Dans le même temps, un rapport de la cour des Comptes constate que « depuis 20 ans la mixité recule dans [les établissements privés], les élèves de milieux favorisés ou très favorisés sont désormais majoritaires dans ce secteur – 55,4 % en 2021 – alors qu’ils représentent 32,3 % des élèves dans le public ».
Tonton, finalement, tu devrais être fier des profs du public, ils/elles font déjà beaucoup avec moins que les autres !

Sources :
Le rapport de l’Igas :
https://igas.gouv.fr/sites/igas/fil...
Le rapport 2023 de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique.
https://www.fonction-publique.gouv....
Le rapport de l’INSEE
https://www.insee.fr/fr/statistique... )
Rapport de la Dress sur l’impact des grossesses sur les congés maladie.
https://www.snds.gouv.fr/download/M...
Un compte rendu de l’étude CSEP/BVA : https://www.bva-xsight.com/wp-conte...
Sur l’inégalité du H/E entre public et privé :
https://www.francetvinfo.fr/france/...
Le rapport de l’OCDE :
https://www.oecd.org/content/dam/oe...
Pour rire, l’absentéisme des député.es sur le vote du budget
https://www.lemonde.fr/les-decodeur...