Témoignage de Virginie

Professeur stagiaire d’anglais à Versailles
lundi 23 mai 2011
par  Secteur entrer dans le métier

Je vais essayer de vous faire partager mon expérience : celle de ma première année d’enseignement comme professeur d’anglais dans un lycée de région parisienne, en tant que professeur stagiaire.

1. Affectation et entrée dans le métier
Tout commence mi –juilllet avec l’immense joie d’apprendre que j’ai réussi le concours tant convoité du CAPES, et cette impression que le plus dur est derrière moi, qu’une aventure extraordinaire m’attend avec plein de bonnes surprises, que ma vie prend un nouvel envol. Je suis assez sereine, même après l’annonce de mon affectation en région parisienne fin août (alors que je suis de Toulouse ), dans un lycée (alors qu’on m’avait dit que je serai très probablement en collège), enfin tout est positif.
Je me rends ainsi fin août sur Paris pour trouver un logement et me présenter au lycée. Mais première désillusion, personne n’est véritablement joignable au lycée avant la rentrée pour m’indiquer au moins les manuels utilisés dans l’établissement et les acheter avant la rentrée, et après quelques jours de recherche intense, je me rends bien compte que trouver un logement à Paris en moins de 15 jours s’annonce plus difficile que prévu. Je m’installe donc de façon très sommaire dans un foyer de jeune travailleuses à Paris. Très vite arrive les journées de pré-rentrée, 3 au total, 2 journées à Poissy très administratives et 1 journée dans l’établissement scolaire, je rencontre donc mes futurs collègues, les locaux, mon emploi du temps. Le chef d’établissement apprend à ma future tutrice que je serai sa stagiaire, ou plutôt qu’elle aurait une stagiaire pour cette année 2010–2011. Un effet de surprise qui semble maîtrisé donc pas inquiétant. Ce qui m’inquiète davantage c’est le nombre de classes, et surtout le nombre de niveaux que comporte mon emploi du temps dont une classe à examen(3 niveaux et 4 programmes différents : 2nde/1ere ES-S/ 1ere STG/ Term STG). Je commence alors à me poser plusieurs questions. Comment vais-je gérer tout ces niveaux ? Comment vais –je pouvoir guider des élèves jusqu’au bac alors que je ne connais pas le métier ? Comment vais-je préparer tout ces cours ?
Ma tutrice, me rassure et nous partons chez elle toute une après-midi (vendredi) pour essayer de préparer les premiers cours. Je n’ai pas tous les manuels, ni les guides pédagogiques, elle me prête le nécessaire , et nous essayons de préparer quelque chose pour le lundi. Avec toute la bonne volonté de ma tutrice , après plusieurs heures de discussion , j’ai mes premiers cours que pour seulement 2 niveaux. Il est 19h, ma tutrice me donne les dernières recommandations et me raccompagne à la gare RER. L’angoisse commence à m’envahir, que vais-je proposer à mes élèves la semaines prochaines, je n’ai jamais enseigné, je ne sais ni quoi leur proposer, ni comment, ni pourquoi. Mon stress augmentera au cours du week-end, avec cette impression le dimanche soir de ne savoir pas où je vais, ni quoi faire, mais que le lendemain il faudra bien prendre la direction du lycée et rencontrer mes élèves pour la première fois. J’avais juste l’impression d’être jetée dans le grand bassin d’une piscine tout en essayant d’apprendre à nager et de garder la tête hors de l’eau, sans que personne ne me tende véritablement de perche pour m’accorder une pause et reprendre mon souffle, même si quelques conseils m’étaient prodigués, mais face à l’immensité de la tâche à accomplir, le plus urgent était de maintenir la tête hors de l’eau (fatigue physique et détresse morale), et d’essayer de faire de mon mieux chaque jour, tout en relativisant les périodes de doute, d’angoisse, de stress, et d’insatisfaction. Cette impression a duré plusieurs mois, je dirai certainement jusqu’à fin janvier.

2. L’organisation de mon temps au quotidien (cours, temps de préparation, vie privée)
La gestion de mon temps tout au long de cette année a été extrêmement compliquée. Comment s’aménager des espaces de détente et de loisir quand on croule sous le travail, et que même avec la meilleure volonté le travail produit ne procure pas la satisfaction espérée ?
Mes journées de travail commencent à 5h40 : l’heure du réveil. Je me prépare, je prends le métro, puis le RER, puis le bus. Au total 1h30 de transport à l’aller. Puis je termine mes cours aux alentours de 16h30. J’attends mon bus, et je suis chez moi au foyer vers 18h15. Je pose mes affaires, je mange vers 19h et je me remets au travail pour préparer mes cours souvent jusqu’à 1h du matin. Voilà ce qu’a été mon quotidien, il fallait donc surtout que j’arrive à me reposer pour tenir toute la semaine, le plus souvent je dormais dans le RER ou éventuellement une petite sieste à mon retour au foyer.
Le plus stressant est l’urgence dans laquelle je me trouvais, sans avoir de cours préparés, je préparais au jour le jour. J’étais souvent confrontée à moi-même, sans savoir véritablement comment préparer mes cours, mais tout en sachant que le lendemain je devais proposer quelque chose. De plus, avec les heures d’observation et de conseils prévues avec ma tutrice, je n’avais aucun moments de pause pendant la journée.
Petit à petit des difficultés sont apparues, lorsqu’on n’a réfléchit ni à sa pédagogie ni à la discipline, et que le seul souci est d’assurer plusieurs cours le lendemain, les élèves trouvent les failles et les exploitent. Une certaine démotivation a commencé à s’installer . Ceci dû à la fatigue physique, aux remarques souvent récurrentes de ma tutrice pour améliorer la discipline et la pédagogie en un laps de temps assez court. L’impression dominante était surtout de ne pas avancer malgré les efforts fournis, et les sacrifices sur mon temps de loisirs. En sachant que je donnais le maximum, avec très souvent peu d’heures de sommeil, j’avais l’impression de ne pas progresser, et cela était vraiment déprimant. Les périodes de vacances m’aidaient à faire le vide et à arriver avec une énergie nouvelle à chaque rentrée, bien souvent avec plus de dynamisme, j’étais beaucoup plus présente et les élèves le ressentaient tout de suite, de ce fait beaucoup moins de recadrage du côté discipline devenait nécessaire. Côté discipline, j’ai surtout pu y réfléchir pendant les vacances de Noël. J’ai donc appliqué toute une série de nouvelles mesures à la rentrée de janvier. Il a fallut environ deux semaines pour que les élèves s’habituent au changement, mais je suis assez contente de l’effet sur mes cours, et les élèves on bien compris que je n’étais plus dans le même état d’esprit et surtout décidée à les cadrer davantage, et je pense que d’une certaine façon j’ai répondu à une de leur demande. En ce qui concerne ma vie privée, j’étais tellement fatiguée en fin de semaine que je me limitais à une après–midi de détente et une matinée de grasse matinée ou d’activités diverses car je savais qu’une autre semaine m’attendais donc je ne pouvais pas me permettre d’être plus fatiguée en début de semaine que je ne l’étais le vendredi. Le dimanche était consacré à la préparation de mes cours et aux correction de copies.

3. la « formation » dispensée cette année pour les stagiaires (formation dans les locaux de l’IUFM et formation de ma tutrice)
La formation dans les locaux de l’IUFM (toutes les 2 à 3 semaines) ,se déroulant le jour libéré, cela chargeait encore davantage la semaine. J’y allais avec beaucoup de questions, et puis très rapidement j’ai compris qu’une journée de temps en temps ne suffirait pas à m’apaiser. Mais cela me donnait des pistes de réflexion nouvelles et quelques idées pratiques, mais le trop plein d’information et de travail ne me permettait pas vraiment d’exploiter les idées suggérées, donc bien souvent les notes prises pendant ces journées de « formation » restées bien soigneusement classées dans leur pochette, jusqu’à la journée de « formation » suivante.
Concernant la formation avec ma tutrice, j’ai été parmi les stagiaire chanceuse si je puis dire , car ma tutrice me visitait une à deux heures par semaines au départ, et j’allais l’observer de 2 à 3 heures par semaine. Ma formation a été donc constante, mais il faut dire aussi que étant la première stagiaire de ma tutrice, elle ne savait parfois pas quels outils me fournir en premier, donc il y avait un certain tâtonnement malgré la volonté de m’aider. Il faut admettre quand même que petit à petit, avec la pression de la titularisation, les visites « amicales » ce sont transformées en mini-inspection. Ce qui n’a fait qu’accentuer mon stress et mon anxiété, et cela s’est traduit dans mes cours observés par ma tutrice par une attitude très crispée et figée, et surtout beaucoup de maladresses qui n’étaient pas habituelles mais qui se produisaient lorsque j’étais observée . Au cours de l’année, j’ai commencé à redouter les observations de ma tutrice, car synonyme d’échec et surtout de mise en danger de ma titularisation, donc peu à peu l’observation constructive s’est transformée en crainte et anxiété. Ceci s’est atténué comme par miracle lorsque ma tutrice m’a annoncé que ma titularisation n’étais pas en danger. Nos rapports sont devenus de plus en plus amicaux, les conseils sont redevenus de vrais conseils constructifs.

Je garde un sentiment très mitigé de cette année. Je suis passée par des émotion et un tel état de stress que je n’avais encore jamais rencontré, à tel point que j’ai parfois des contractures musculaires (que je n’avaient jamais eues auparavant) et des douleurs dorsales. Ceci dû à un été de crispation et de stress prolongé (des séance de kiné mon même étaient prescrites) ; le besoin de faire du sport pour évacuer tout cela s’est fait sentir cette année, moi qui ne suis pas vraiment une grande sportive, cela m’a aider à avancer.
En fin de compte, l’année est passée très vite, car je n’étais plus maître de mon temps, je devais fournir un travail précis à une date précise, et je vivais au jour le jour. Certains jours j’aurais aimé que le RER fasse marche arrière et que je n’arrive pas au lycée. Je dois avouer que chaque jour terminé est pour moi une mini-victoire encore aujourd’hui.
Je suis très fière d’être professeur même si je dois encore améliorer ma pédagogie, c’est un métier qui me plait énormément et qui donne de grande satisfaction lorsque l’on maîtrise quelques ficelles, lorsque l’on fait preuve de constance et d’un esprit logique, et surtout après avoir dépassé ce premier sentiment d’amertume de la rentrée ; c’est à dire d’être stagiaire pour combler des trous et pour répondre à une stratégie d’économie, ce sentiment d’avoir totalement été abandonnée par l’administration qui nous permet en même temps d’avoir notre poste, et de nous donner la possibilité de réaliser notre rêve.
Chaque jour est différent, chaque configuration de classe en fonction de l’activité proposée donne des résultats différents. Je suis parfois surprise par les activités que je propose et la réaction des élèves parfois véritablement enthousiastes, j’essaie d’analyser tout cela petit à petit et trouver ma propre façon d’enseigner. Je suis aussi très fière d’avoir traversée cette année, un peu à l’aveugle, mais d’y être arrivée. J’aborde la prochaine année scolaire avec sérénité, car cela ne pourra pas être pire que l’année que je vient de passer, le volume horaire sera sensiblement le même, et le nombre de niveau pourrait difficilement être supérieur. Mais il est vrai aussi que j’attends les vacances avec impatience pour me remettre d’une année intense à tout point de vue.