Bilan de la rentrée 2023-2024 dans les collèges et lycées : la dégradation se poursuit

mardi 10 octobre 2023
par  Secteur politique éducative

Malgré les discours lénifiants du nouveau ministre Gabriel Attal et des recteurs d’Ile-de-France, notamment lors du CIEN du 12 septembre 2023, la rentrée dans l’Académie de Versailles se déroule dans des conditions de plus en plus dégradées.

Les enquêtes menées par le SNES Versailles auprès des collèges et lycées brossent un tableau de la rentrée dans notre académie bien différent de l’image embellie que dessinent le Ministère de l’Éducation nationale et le Rectorat. Les conditions matérielles d’enseignement se dégradent logiquement dans un contexte de réformes mal construites et imposées d’en haut , et de contraction constante des moyens voulue par le pouvoir exécutif.

1) Des conditions de travail et d’encadrement des élèves toujours plus dégradées

Les classes surchargées, les salles bondées

Au collège, on atteint presque partout 30 élèves par division et, aberration totale, des groupes de langue à plus 30. Les classes à 27 ou 28 deviennent monnaie courante en Éducation prioritaire.
Des collègues signalent que les règles de sécurité lors des manipulations en sciences deviennent difficiles à respecter.

Au lycée, les classes bondées deviennent la norme et les effectifs atteignent de plus en plus souvent les 35 élèves mais vont au-delà. 85 % des établissements font état de classes surchargées dès la seconde. La suppression régulière des postes depuis plusieurs années fait lourdement sentir ses conséquences.

Il nous a été signalé que devant le mécontentement de parents d’élèves affectés hors secteur, le DSDEN du 78 a incité au moins un collège à ouvrir une 6e supplémentaire sur ses moyens propres en abondant la DHG d’une enveloppe de 8h seulement.
Dans plusieurs établissements, des modifications de la carte scolaire ont entraîné l’ouverture fin juin d’une classe supplémentaire, le plus souvent en 6e.

Les collègues soulignent massivement le manque de place et de mobilier pour accueillir correctement tous les élèves et les AESH (jusqu’à 2 dans certaines classes). Ainsi dans les lycées de l’Académie 78 % des établissements font monter des problèmes de salles et de places qui poussent à « entasser » les élèves dans des conditions d’enseignement inacceptables, alors que l’on sait que les conditions climatiques ont été particulièrement difficiles en début septembre.

Des emplois du temps toujours plus médiocres

La situation est particulièrement flagrante dans les lycées où les absurdités de la réforme Blanquer doublées d’une croissance importante des effectifs ont rendu la confection des emplois du temps de plus en plus difficile. L’enquête montre que 24 % des établissements font remonter une situation totalement insatisfaisante (trous dans les emplois du temps, vœux non respectés). Dans 36 % des cas la situation est considérée comme médiocre. Dans un tiers des cas seulement les emplois du temps sont jugés convenables. Certains établissements vont jusqu’à restreindre l’accès des élèves aux options pour « faciliter » artificiellement la confection des emplois du temps. Dans 35 % des lycées, des contraintes ont été imposés aux élèves pour qu’ils ne prennent pas telle ou telle option. Cela menace tout particulièrement des options déjà fragilisées comme le latin.

Des postes non pourvus

En contradiction avec les promesses ministérielles, comme chaque année, des collègues ne sont pas remplacés, alors même qu’il s’agit d’absences prévues ou connues de longue date comme des congés maternité. Dans presque tous les collèges, au moins un BMP manquait à la rentrée, mais cela pouvait aller jusqu’à 5 ! Dans les lycées, il manquait au moins un professeur dans 68 % des établissements, souvent dans les disciplines en tension (sciences, disciplines technologiques). Le satisfecit que se sont octroyé les recteurs franciliens quant à la capacité des rectorats à préparer en amont le remplacement en ayant recours à des contractuels soigneusement choisis s’avère donc totalement fallacieux.

Les HSA

Le volume d’HSA en augmentation fait que des collègues (surtout ceux en début de carrière) subissent des pressions pour en accepter au-delà des deux obligatoires. Les services à 22h ne sont pas exceptionnels. Dans les lycées, ce sont 18 % des collègues qui font relever des pressions de la part de la direction des établissements pour imposer des HSA à des collègues qui n’en veulent pas.

Les manuels

Les manuels achetés lors de la réforme du collège de 2016 sont maintenant usés jusqu’à la corde et contiennent des données obsolètes. La hausse des effectifs rend nécessaire des commandes de manuels supplémentaires, mais les budgets sont insuffisants pour les réassorts.
Dans les collèges passés aux manuels numériques, on se heurte à des difficultés bien connues : équipement informatique insuffisant des familles et problèmes de connexion qui ne sont pas résolus par la distribution de tablettes !
La question se pose aussi des licences qui arrivent à expiration et de l’absence de budget pour les renouveler. Il est à remarquer que les réactualisations régulières promises par les éditeurs lors de l’achat des manuels numériques n’ont pas eu lieu et qu’ils contiennent la plupart du temps encore les mêmes données de 2015 que les manuels papier.
Un certain nombre de lycées versaillais ont abandonné les manuels physiques au profit des manuels numériques comme les y incitait fortement la Région Île-de-France. Ils n’ont pu que constater l’ensemble des problèmes qu’il entraine. Le SNES-FSU a interpelés la région sur cette question lors du CIEN du 12 septembre 2023. Ses responsables ont fait mine de découvrir les problèmes du passage au numérique mais aucun vrai bilan ne semble en passe d’être tiré, même si une éventuelle enquête menée par la région à été évoquée sur le bout des lèvres.

L’entrisme des associations à travers les cités éducatives

Tous les collègues exerçant en cité éducative nous signalent un déferlement prévu d’associations de toutes sortes sur les sujets les plus divers, au détriment des heures de cours dont leurs élèves ont particulièrement besoin.

Le manque d’attractivité de la mission de professeur principal

La charge de travail qui s’alourdit (en particulier en 3e et en terminale) et la faiblesse de la rémunération accentuent la tendance : de plus en plus de chefs d’établissements peinent à recruter suffisamment de PP et peuvent exercer de fortes pressions sur les collègues, y compris les TZR. Dans les lycées de l’Académie, on se retrouve dans 73 % des cas des pénuries de professeurs principaux à la rentrée. Du fait de la conscience professionnelle des collègues et des demandes de l’administration, ce chiffre sera évidemment amené à baisser mais il est bien significatif d’une énorme perte d’attractivité de la fonction de PP.

L’école inclusive sans moyens

Des élèves se trouvent encore sans AESH, certains postes restant non pourvus. Dans un collège du 78, pas moins de 55h ne sont pas attribuées.
Il n’est pas rare qu’un AESH prenne en charge plusieurs élèves dans la même classe.
Les inclusions sont de plus en plus difficiles dans les classes surchargées (élèves d’ULIS, de SEGPA ou d’UPE2A).
Au nouveau collège de Mantes-la-Jolie (REP+), des élèves porteurs de troubles sévères bénéficient d’inclusions, mais la pénurie d’AESH fait qu’elles sont prioritairement attribuées à ces élèves et que ceux porteurs de handicaps plus légers se retrouvent dans les classes sans l’accompagnement dont ils ont besoin.
Plusieurs établissements doivent également fonctionner sans assistant social et/ou sans psyEN.
Derrière les beaux discours ministériels sur l’école inclusive se cache en réalité une sordide politique d’économies budgétaires sur le dos des plus fragiles, ce que montre notamment la fusion envisagée des statuts d’AED et d’AESH qui deviendraient ARE (accompagnants de réussite éducative) pour plus de flexibilité.

Les vies scolaires sinistrées
Les réductions de postes associées aux difficultés de recrutement (les poste d’AED étant peu attractifs tant au niveau des conditions de travail que de rémunération) entraînent un nombre insuffisant d’AED dans tous les établissements. De la sorte, dans 40 % des lycées il manquait des effectifs dans les Vies scolaires à la rentrée.
Vouloir confier aux AED les remplacements de courte durée par la surveillance des classes travaillant sur des modules numériques (devant des ordinateurs qui n’existent pas toujours) n’en paraît que plus irréaliste !

2) Des réformes au détriment de nos statuts et des élèves

La suppression de la technologie en 6e

Partout des BMP ont été supprimés en technologie. Les collègues ont été contraints de compléter leur service ailleurs, ou ont accepté diverses missions pour le compléter dans leur établissement : soutien en mathématiques en 6e et parfois « devoirs faits ».

Le Pacte

Les pactes ont été généreusement attribués aux établissements et se mettent en place dans une certaine opacité. Le chiffre récemment révélé par le ministère d’un enseignant sur trois « pacté » nous semble cependant très surévalué. Dans les lycées, 20 % des établissements ne faisaient remonter aucun pacte de signé. Dans 46 % des cas, les pactes ne concerneraient que 1 à 4 personnes, ce qui est très bas et s’affiche sous la barre des 10 % des enseignants acceptant la signature d’un Pacte.
Dans les collèges la plupart des collègues nous signalent plutôt autour de 3 à 5 collègues pactés dans leurs établissements et remarquent que ce sont souvent des contractuels et des néo-titulaires probablement plus soumis à des pressions de la part des chefs d’établissements.

Les lettres de missions proposées par les chefs d’établissement semblent reprendre un modèle standardisé et il en est de même pour les protocoles RCD. Les professeurs pactés ont dû fixer leur créneau « d’astreinte » dans des conditions très diverses : d’une demi journée à une heure dans la semaine.
Certains chefs d’établissements saisis par l’obsession de traquer « les heures perdues » affirment que pour être accepté, tout projet de sortie doit s’accompagner d’un projet de remplacement des professeurs accompagnateurs, ce qui est totalement faux et abusif.
La mise en place des RCD ne semble pas pour l’instant avoir entraîné plus d’emplois du temps « gruyère » qu’avant.

Le soutien et l’approfondissement en 6e, accompagnement aux devoirs
Financé par la suppression de l’heure de technologie, ce dispositif censé recentrer l’enseignement sur les sacro-saints « fondamentaux » se met en place dans des conditions très diverses et pas toujours connues des collègues dans leur propre établissement : barrettes et alternances de 3 semaines entre mathématiques et français avec 3 groupes pour 2 classes, alignement des 5 classes de 6e réparties en 6 groupes (3 en maths, 3 en français), un créneau par classe (donc pas de groupes interclasses) …
Le mercredi matin est privilégié dans les collèges où des PE pactés interviennent, mais nous avons aussi l’exemple de classes mises en barrettes tous les lundis de 12 à 13 h !
L’accompagnement obligatoire aux devoirs se fait généralement en classe entière en début d’année sous forme de cours de méthodologie en attendant de déterminer les besoins de chacun.

La découverte des métiers dès la 5e
Cette question ne semble pas être la priorité en ce début d’année scolaire puisqu’elle n’a été abordée dans quasiment aucun collège.

POUR CONCLURE
Il n’y a aucune raison de se réjouir des conditions de la rentrée 2023 : la trajectoire globale est toujours celle de la dégradation des conditions de travail pour les élèves et les enseignants dans un contexte d’opacité des décisions. Les desiderata ministériels sont accueillis de manière négative par les collègues nullement intéressés par les arnaques du fameux Pacte. Tous les indicateurs sont négatifs mais cela ne fera pas varier d’un pouce la communication ministérielle : la méthode Coué a manifestement encore de beaux jours devant elle.