Professeurs référents d’un groupe d’élèves (PRE) : des missions élargies, pour une ISOE au rabais !

samedi 4 septembre 2021
par  Snes S3 MRP

 Le Professeur référent : une nouvelle fonction créée sur mesure pour les réformes de Blanquer

Alors que la surcharge de travail s’accroît pour les professeurs principaux, et que la fonction s’avère toujours moins attractive, le Ministère de l’Éducation nationale choisit comme de coutume la fuite en avant en créant la fonction de Professeur référent d’un groupe d’élèves (PRE). Plutôt que résoudre les problèmes, on choisit d’en faire apparaitre d’autres ! Mais surtout, le Ministère continue à déployer son agenda idéologique inspiré des méthodes de management du privé : le professeur référent apparait comme un croisement entre un tuteur, un préfet des études et un coach personnel. Voir aussi cet article.
Décryptons cette nouvelle fonction.

 Un dispositif inquiétant

La note de service parue au BO du 26 août 2021 fixe le cadre des missions de ce professeur référent. Elle multiplie les formulations hypothétiques : rien ne semble impératif et tout du domaine du « possible ». Ainsi la fonction n’est pas automatiquement créée dans chaque établissement : à chacun d’en décider localement... Si le PRE accomplit ses fonctions dans le cycle terminale (première et terminale), les deux niveaux ne sont pas forcément couverts. Par ailleurs, le PRE peut œuvrer au côté des professeurs principaux, ou totalement les remplacer. Cette deuxième possibilité est très inquiétante. Les effectifs pris en charge peuvent varier de manière significative (de 12 à 18 élèves), en même temps que limitée, en raison de l’absence de vrais moyens alloués (voir plus bas) .

Si la fonction de PRE se généralise, nous risquons de constater un nouvel éclatement de la situation des établissements : certains auront des PP en première mais pas en terminale, d’autres un professeur référent en première mais pas en terminale etc. Il s’agit encore une fois d’un éclatement du cadre général national de l’enseignement.

C’est une premier argument pour s’opposer à la création de cette fonction qui peut donner lieu à un vote négatif au CA puisque ce dernier doit se prononcer. Dans tous les cas de figure, cette fonction ne peut pas être imposée aux collègues.

Une définition des missions problématique

La notion de professeur référent entérine avant tout la disparition du groupe classe, résultat de la réforme du lycée imposée par Jean-Michel Blanquer, puisque dans leurs cours de spécialités, les élèves sont tous mélangés. La classe disparaissant, le conseil de classe perd de sa pertinence ; la solution avancée est d’« individualiser » le suivi des élèves. Il est d’ailleurs significatif que le nombre d’élèves suivis par le PRE soit bien inférieur aux effectifs d’une classe.

Les missions du PRE peuvent paraître nébuleuses. À la lecture de la note de service du BO, on apprend ainsi que le PRE « apporte une réponse aux besoins éducatifs particuliers que les élèves du groupe peuvent formuler » (sic).
En analysant de près la note de service, on constate que ces fonctions sont à la croisée du tutorat et du coaching. Raison pour laquelle le ministère ne donne aucun volume horaire : aucun créneau n’a à être déterminé pour le suivi des élèves. Le suivi peut être totalement individuel mais aussi ponctuellement collectif, ce qui est très différent en terme d’organisation… cela reste du ressort des établissements.
Il s’agit d’identifier les compétences de l’élève à renforcer et de proposer des conseils méthodologiques nécessaires, éventuellement avec le professeur principal. Il est certes recommandé que le professeur référent soit aussi un des professeurs enseignant à l’élève par ailleurs, mais nous ne sommes pas ici face à des tâches d’enseignement, il s’agit plutôt de tutorat voire de coaching ; le contenu disciplinaire n’est pas évoqué et la discipline de l’enseignant n’est pas prise en compte.

Il s’agit aussi de « replâtrer » un édifice mal en point : le lycée de la réforme Blanquer. C’est pour cela que, parmi les missions du PRE on trouve… la préparation du Grand oral. Ainsi la note de service précise : « Le cas échéant, [le PRE] organise le lien entre les deux enseignants de spécialité concernés lorsque l’élève opte pour une question transversale à ses deux enseignements de spécialité pour cette épreuve orale terminale ». S’il s’agit d’abord de pallier les dysfonctionnements dans la préparation au Grand oral auquel tient tant le ministère, cette mission de « lien » entre les enseignants de spécialité place le PRE dans un rôle de coordonnateur. Elle rappelle le fameux statut de « préfet des études » mis en place dans les ex-établissements ECLAIR et auquel s’était opposée la profession.

On retrouve cette logique de fuite en avant quand il s’agit de l’orientation : le PRE doit jouer un rôle important dans la constitution du projet d’orientation de l’élèves. On pense notamment aux fameux vœux sur la plateforme Parcoursup qui posent tant de problème. Plutôt que d’acter l’échec de Parcoursup et de la réforme de l’orientation, le ministère préfère donc le « rafistolage ».

 Rémunération des PRE : à coûts constants !

Jusqu’à présent, une part modulable de l’ISOE pouvait être attribuée, par professeur et par division, en vertu du décret n° 93-55 du 15 janvier 1993 instituant une indemnité de suivi et d’orientation des élèves en faveur des personnels enseignants du second degré. Seules exceptions : dans les classes de terminale, et dans les établissements où l’exercice des fonctions de professeur principal comporte des difficultés particulières tenant à l’environnement socio-économique et culturel de l’établissement, deux professeurs par division perçoivent chacun une part modulable.

Le décret n° 2021-1101 du 20 août 2021, modifiant le décret n° 93-55 du 15 janvier 1993, permet aux professeurs référents de groupes d’élèves, qui peuvent être plusieurs pour une même division et sont devenus indispensables en cycle terminal avec la mise en œuvre de la réforme Blanquer du lycée et l’éclatement du groupe classe, de bénéficier de la part modulable de l’ISOE.
Mais le ministère veille à ce que le versement de cette indemnité ne représente pas un coût supplémentaire ! La reconnaissance du travail effectué se fera à coût constant pour notre employeur, puisque le montant total versé au titre de la part modulable de l’ISOE reste lié au nombre de divisions. Concrètement, si plusieurs enseignants interviennent, pour une même division, ils se partageront tout simplement l’indemnité... C’est évidemment méconnaître le travail du professeur, principal ou référent, qui n’est pas simplement proportionnel au nombre d’élèves pris en charge.

La part modulable... à partager ! Une rémunération bien chiche et à fonds constants

Ce que dit le décret
« dans les divisions du cycle terminal des lycées d’enseignement général et technologique, à chaque part modulable de professeur principal peuvent être substituées deux parts modulables de professeur référent. Dans ce cas, le montant total des parts modulables attribuées au titre d’une année scolaire au sein d’un établissement ne peut excéder un plafond correspondant à la somme des parts modulables susceptibles d’être attribuées aux professeurs principaux au regard du nombre de divisions de cycle terminal au sein de cet établissement. »
Il s’agit donc uniquement de permettre le découpage du gâteau.

Les montants
En première et en terminale, le professeur principal d’une classe perçoit un montant de 906,24€ (annuel). Rappelons que la part modulable due au professeur principal dépend du niveau de classe dans lequel il intervient. Malgré la lourdeur de la mission, ce sont déjà les professeurs principaux en cycle terminal qui perçoivent l’indemnité la moins importante ! [1]
En terminale, l’intervention de deux professeurs principaux est prévue. Chacun perçoit le montant de 906,24 euros.
Si le choix est fait de faire intervenir des professeurs référents, prenant chacun en charge un groupe restreint d’élèves, et non plus une classe, ils se partagent alors la part modulable. Chaque professeur référent ne peut percevoir que la moitié du montant, soit : 453.12 €.

Le fonctionnement est le même dans les établissements où l’exercice des fonctions mentionnées « comporte des difficultés particulières tenant à l’environnement socio-économique et culturel de l’établissement » : deux professeurs par division perçoivent chacun une part modulable de professeur principal.
Dans ces établissements également, le montant total des parts modulables attribuées aux professeurs principaux et aux professeurs référents en cycle terminal, au titre d’une année scolaire ne peut excéder un plafond correspondant à la somme des parts modulables susceptibles d’être attribuées aux professeurs principaux au regard du nombre de divisions de cycle terminal.

 Cette mission peut-elle être imposée ?

Tout comme la mission de professeur principal (voir cet article), la mission de professeur référent ne peut être imposée.

La fonction de professeur principal est une tâche intéressante, à laquelle les enseignants sont attachés. L’alourdissement incontestable des tâches et la dégradation des conditions d’exercice de la fonction est cependant inacceptable. Les professeurs qui assument cette responsabilité voient d’année en année leur charge de travail s’alourdir, particulièrement pour les classes de 3ème, seconde et terminale.

L’attribution de la part modulable de l’ISOE rémunère les activités du professeur principal et « est liée à l’exercice effectif [des] fonctions. » Pour prendre en compte la totalité de la charge de travail, le SNES-FSU revendique le doublement doublement de l’ISOE pour prendre en compte la totalité de la charge de travail.


[1Les taux de la part modulable de l’ISOE sont fixés par le ministère en fonction des niveaux d’intervention : Sixième, Cinquième, Quatrième des collèges et LP : 1 245,84 € ; Troisième des collèges et LP et Seconde de LEGT : 1 425,84 € ; Première et Terminale des LEGT et autres divisions des LP : 906,24 €. Pour les agrégés, taux fixe et non revalorisable tant que ce taux demeurera supérieur au taux de la part modulable (professeurs principaux en Sixième, Cinquième, Quatrième, Troisième et Seconde) : 1 609,44 €. Elle est versée comme suit : 2/12e en octobre, puis 1/12e de novembre à août.