[Coronavirus] Avec le SNES-FSU comprendre et décrypter la « continuité pédagogique » vantée par notre Ministre

mardi 31 mars 2020
par  Snes S3 MC

Le terme de « continuité pédagogique » a fait irruption dans le vocabulaire de l’Éducation Nationale en même temps que le coronavirus dans notre quotidien.

Mais qu’entend donc le Ministère par « continuité pédagogique », puisque la situation est au contraire et par définition une situation de rupture profonde, bouleversant la vie quotidienne de tous ?
Comment et pourquoi cette notion a-t-elle été imposée à tous par le discours ministériel ? Comment cette prétendue continuité s’est-elle mise en place ? Quels sont les enjeux ? Les risques de l’enseignement à distance ? Dans cette crise sans précédent, le SNES-FSU reste aux côtés des personnels !

 Face à la crise, autoritarisme et confusion des directives ministérielles

Dès la fin du mois de février, Jean-Michel Blanquer, tout en continuant à affirmer jusqu’au dernier instant que la fermeture générale des établissements scolaires n’était pas envisageable, claironnait que l’Éducation Nationale était « prête » pour l’enseignement à distance et que tout se passait à merveille pour les élèves renvoyés chez eux dans les premiers foyers épidémiques.
Le 12 mars, le président de la République annonçait la fermeture de tous les établissements scolaires du territoire national.

La fermeture des écoles est à peine annoncée que Jean-Michel Blanquer somme les enseignants de se rendre dans les établissements dès le lundi 16 mars afin de se réunir et de réfléchir à l’organisation des modalité de la continuité pédagogique.
Pas en reste, la rectrice de l’académie de Versailles renchérit dans un mail daté du 13 mars (20h19) aux enseignants et songe, dans sa grande clairvoyance à faire recenser par leurs responsables « les personnels qui ne pourront se déplacer (personnels fragiles, parents devant garder leur enfant à domicile, situations particulières) ».
Le 14 mars, Jean-Michel Blanquer précise que « la moitié des enseignants » (pas un tiers ni les trois cinquièmes) rejoindront leur établissement car « Le principe, c’est que les adultes sont au travail » (pas les élèves ?), et ce quelques heures avant l’annonce de la fermeture des lieux publics et l’interdiction des déplacements non indispensables à la vie de la nation...
Pourquoi cette annonce du Ministre, sinon pour affirmer son autorité sur les enseignants dont il faudrait chroniquement s’assurer qu’ils soient bien au travail ?
Le 16 mars au soir pourtant, Emmanuel Macron annonce le confinement généralisé et le télétravail pour tous ceux qui le peuvent. Plus question de rejoindre son établissement le lundi.

  Continuité pédagogique : une mise en place chaotique pour tous !

Chacun fait donc de son mieux de son côté, et utilise comme il peut les outils dont il dispose.
Les DANE (Délégations Académiques pour le Numérique Éducatif) appellent à faire simple : envoyer aux élèves des documents au format PDF, veiller à la cohérence des équipes, utiliser les moyens de communication habituels.
Après quelques jours difficiles, les ENT surchargés redeviennent accessibles mais subissent encore régulièrement des coupures, ralentissement et autres déconnexions intempestives. Le télétravail qui ne dit pas son nom et sans cadre légal s’organise tant bien que mal.

Il est au passage important ici de rappeler aux collègues que l’utilisation de plate-formes n’émanant pas de l’Éducation Nationale est à proscrire afin de rester dans le cadre de la RGPD et ne pas se mettre en tort.

=> Lire l’article sur le site du SNES-FSU Versailles : Continuité pédagogique, que peut-on et doit-on faire ?  

Le Ministre continue son agitation médiatique, prétendant vouloir « hausser le niveau des élèves » et « ne laisser personne au bord du chemin ».
Il s’installe dans une logique de contrôle des enseignants dont il attend qu’ils appellent chaque famille au moins une fois par semaine pour suivre le travail des élèves.
=> A force de vouloir prouver qu’il travaille et surtout qu’il fait travailler professeurs et élèves, le Ministre oublie l’humain et tout simplement la réalité :

  • Certaines familles ne possèdent pas de matériel informatique et/ou pas de connexion internet.
  • Un temps de travail de 3 ou 4h par jour n’est pas toujours possible, parce que la famille ne possède qu’un ordinateur, que les parents télétravaillent ou sont sur le pont dans les commerces alimentaires ou les hôpitaux, qu’ils n’ont pas toujours d’imprimante et/ou d’encre pour imprimer le travail...
  • Le stress et les drames liés à l’épidémie ne rendent pas les élèves disponibles pour apprendre.
  • Tout le monde ne vit pas dans un vaste logement où chacun a son propre espace.
  • Le risque de tensions, voire de violences familiales se trouve accru, et ce dans tous les milieux.

Avec le confinement et sans cours en présence des professeurs, ces inégalités sociales et scolaires s’exacerbent. Malgré les efforts des personnels, enseignants ou non, certains élèves, les plus en difficulté, ceux que l’on tient d’habitude à bout de bras disparaissent dans la nature.

La culpabilisation des enseignants, chroniquement soupçonnés de s’adonner à la paresse, et la pression de certains chefs d’établissement, conduisent des collègues à une surenchère de travail pour eux et pour leurs élèves, à l’épuisement et à une réelle souffrance.

Dans ces circonstances exceptionnelles, les personnels inventent de nouvelles façons de travailler mais c’est particulièrement chronophage et particulièrement stressant.

=> Lire l’article du SNES-FSU national : Confinement et travail à distance Essayons d’approcher la réalité.

Dans cette période où l’orientation est au cœur de la vie des élèves, comment accompagner les élèves dans leurs choix ? Comment aider les élèves à compléter ParcourSup ? Comment les professeurs principaux peuvent-ils jouer leur rôle ?

=> Voir l’article du SNES-FSU Versailles : Parcoursup, la machine infernale continue de tourner

Cette crise entraîne fatigue, stress, isolement et épuisement dont on ne mesure pas encore les effets.

=> Voir l’article du SNES-FSU Versailles sur la souffrance au travail, le rôle des CHSCT.
(en cours de rédaction)

La culpabilisation n’épargne pas non plus les parents, qui ne peuvent parfois tout simplement pas suivre le travail des enfants.

  Promotion de l’enseignement à distance et tout numérique : Quels enjeux ? Quels risques ?

Pourquoi alors un tel acharnement de notre Ministre à vouloir montrer le succès retentissant d’une prétendue « continuité pédagogique » fondée sur l’usage du numérique ?

  • La classe virtuelle : possible grâce à la plate forme du CNED, elle est largement vantée par certains chefs d’établissements de l’académie de Versailles qui exercent de discrètes pressions sur les enseignants pour qu’ils l’utilisent. S’extasier sur la classe virtuelle qui « réunit » 60 élèves, c’est accepter indirectement de servir de cobaye pour une pratique susceptible de remplacer le cours traditionnel, certes pendant la fermetures des établissements, mais surtout après.
    Tellement tentant pour les options à faibles effectifs dans les lycées où la réforme éclate les classes, ou encore dans des établissements ruraux mal desservis ! Rappelons que dans le Val-d’Oise, l’enseignement de l’arabe est parfois déjà assuré par le CNED.
    Pourquoi ne pas imaginer également des cours à distance dispensés par quelques professeurs considérés comme une élite, associés à des exercices sur ordinateur ou tablette encadrés par des enseignants réduits au rôle de répétiteurs et donc de simples exécutants ?
    L’école du XIXème siècle, mais avec le numérique...
  • Le numérique éducatif  : Parallèlement, des éditeurs privés qui lorgnent avec convoitise sur ce grand marché de l’éducation, proposent pendant toute la durée du confinement des ressources en accès libre sur leur plate-forme. Leur credo : on peut apprendre sans professeur.
    C’est par exemple le cas des éditions Play Bac, dûment référencées dans Nation apprenante, dont l’un des fondateurs, Jérôme Saltet, à travers « Le projet à but non lucratif Play Bac » et avec le concours de l’académie de Versailles et du département des Yvelines, se trouve être avec André Giordan (auteur entre autres du livre Changer le collège, c’est possible), l’un des inspirateurs du futur collège de Mantes-la-Jolie, établissement REP + inaugurant une déréglementation totale (horaires, programmes …).
  • La fracture numérique :
    La classe virtuelle est sans doute le type de « pratique pédagogique » le plus inégalitaire puisqu’en plus de nécessiter ou ordinateur, un débit de qualité, cela implique la disponibilité de tout cela à une horaire fixe que ne peut contrôler l’élève.
     

=> Complément d’information - Consulter la vidéo de Stéphane Bonnery, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Paris 8, « Covid-19, les informations en ligne ne suffisent pas à l’appropriation des savoirs par les élèves ».

Malgré une situation d’urgence inédite et nécessaire dans l’Éducation nationale face à l’épidémie du coronavirus, le fait de confier aux familles le soin de transmettre un savoir que les élèves doivent acquérir est inquiétant et peut aggraver les inégalités, souligne Stéphane Bonnéry, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Paris 8. Les dates d’épreuves du bac, parcoursup, E3C, les concours d’étudiants, les recrutements d’enseignants et la loi LPPR sont autant d’inquiétudes qui planent sur les étudiants.

 Le SNES-FSU aux côtés des personnels

En résumé, la crise sanitaire ne doit pas contribuer à imposer une vision de l’école qui n’est pas celle du SNES-FSU.
Le SNES-FSU continue à se battre pour que chaque élève bénéficie d’un enseignement de qualité et de professeurs formés afin que la relation pédagogique ait lieu au sein de la classe, avec des effectifs raisonnables, selon des programmes nationaux et dans le respect de la liberté pédagogique de chaque professeur.
Dans la situation exceptionnelle que nous vivons actuellement, privilégions le maintien de liens avec les élèves, les révisions, les habitudes de travail, mais sans pression inutile. Le contenu de la fiche Eduscol est plein de bon sens à cet égard. [1]
Les collègues qui, sur la base du volontariat, prennent en charge les enfants des personnels médicaux et paramédicaux sans autre solution de garde, assurent une continuité du service public.
Parler de continuité pédagogique est au mieux un abus de langage, au pire un mensonge.
Il n’est pas raisonnable par exemple de penser que grâce à la continuité pédagogique, les examens du secondaire pourront se tenir sans aménagements cette année !

Pour toutes questions ou problèmes rencontrés dans votre établissement, n’hésitez pas à contacter le SNES-FSU :

Plus d’informations sur le site du SNES-FSU Versailles :

Plus d’informations sur le site national du SNES


[1=> Selon la fiche professeurs Eduscol (mise à jour le 20/03), « Le but de la continuité pédagogique est de permettre aux élèves de conserver le lien avec les apprentissages, tout en tenant compte du fait que le travail à distance ne saurait remplacer le contact et les échanges directs entre un enseignant et sa classe et au sein de la classe ». De même, « Le professeur reste, plus que jamais responsable de sa progression , de ses méthodes et de leur adaptation ».

Suivent quelques conseils :

  • Privilégier les révisions, garder les notions nouvelles pour le retour en classe.
  • Utiliser les outils officiels bien connus de tous pour transmettre le travail (ENT, Pronote etc) ainsi que les ressources mises à disposition par le CNED.
  • Utiliser d’autres supports que le numérique : lecture de livres papier, exercices et cours notés dans le cahier habituel …
  • Rassurer les élèves, ne pas les pénaliser.
  • Donner des consignes très explicites et préciser les formes des évaluations prévues pour le retour en classe.

=> La fiche élèves, de son côté, prodigue aussi différents conseils :

  • Utiliser l’ENT et les ressources du CNED, ainsi que « La maison Lumni ».
  • S’organiser : 3 à 4h de travail par jour en planifiant son travail sur la journée et la semaine.
  • Soigner son hygiène de vie : manger équilibré, limiter les écrans, aérer son logement (sic).
  • Se cultiver : lire, écouter des podcasts, visiter des musées virtuels, suivre les émissions estampillées « Nation apprenante ».

=> Toutes les fiches Eduscol