Continuité pédagogique : que peut-on et doit-on faire ?

jeudi 19 mars 2020
par  Snes S3 MRP

Pas à une approximation près, le Ministre affirmait dès le 28 février qu’un « dispositif d’enseignement à distance était prêt »… En réalité, les ENT des différentes régions ont saturé dès lundi matin.
Faute de réflexion collective et de cadrage clair, force est de constater que des initiatives parfois contestables voire dangereuses sont apparues.
Il faut rappeler que dans les circonstances actuelles, la priorité est avant tout de réussir le confinement afin d’enrayer une crise sanitaire majeure. Dans ce contexte, se focaliser sur les apprentissages, angoisser pour le programme, pour le travail à rendre (du point de vue élèves) ou à donner (du point de vue de l’enseignant et de l’Administration) est dérisoire. Mettre une pression évaluative aux élèves est inutile et doit être évité.

Si le lien avec les élèves et la nécessaire continuité pédagogique semblent à tous une absolue nécessité, il ne serait pas envisageable de faire comme si tout devait continuer à l’identique des pratiques habituelles.
Outre la fracture numérique qui va accentuer les écarts entre élèves, comment envisager de leur demander de passer plusieurs heures chaque jour devant un écran parfois partagé entre tous les membres de la famille ? Comment ne pas prendre en compte les répercussions psychologiques sur des élèves qui vont percevoir les inquiétudes et les angoisses de leurs proches et se retrouvent confinés dans un huis clos qui peut être pesant ? Peut-on sérieusement leur demander de travailler comme nous souhaiterions que l’élève idéal le fasse ?

Le travail scolaire à faire peut permettre aux élèves de se changer les idées, de remplir leurs journées, de combler le manque de vie sociale, mais les modalités de travail doivent tenir compte du contexte.
Il faut d’abord rassurer les familles et les élèves, si la continuité pédagogique est évidemment importante, il faut la remettre en perspective.
Certes, nous avons besoin de moyens de communication pour la mettre en place, mais si l’ENT ne fonctionne pas momentanément ce n’est pas si grave !

Nous vous proposons ici quelques éléments de réflexion sous la forme d’une FAQ qui pourra s’enrichir régulièrement : n’hésitez pas à la consulter régulièrement !


  • La continuité pédagogique relève-t-elle de la responsabilité du chef d’établissement ?

Plutôt non. Si le chef d’établissement est chargé d’assurer les conditions de la mise en œuvre de la continuité pédagogique, il peut à ce titre, conseiller une certaine harmonisation des usages mais la forme, le choix des outils et du contenu des activités proposées, qui sont, par essence, pédagogiques, relèvent de la responsabilité des enseignants.
Connaissant le niveau de leurs élèves et leurs difficultés, ils sont les mieux à même de mesurer la faisabilité de ce qui peut être proposé et/ou demandé aux élèves.


  • La continuité pédagogique peut-elle se substituer aux cours en présentiel ?

Non. C’est mission impossible. Un cours en présentiel est construit autour d’interactions avec les élèves. Il ne s’agit pas d’une simple transmission mécanique de connaissances factuelles. Il ne faut pas se leurrer, ni leurrer les familles. L’idée de la continuité pédagogique vise essentiellement à maintenir les élèves dans une ambiance de travail, par une activité régulière. Il ne s’agit pas de s’engager dans des modalités d’apprentissage inaccessibles, ni de créer de nouvelles inégalités, d’autant qu’on ne connaît pas le calendrier de la reprise et des examens.
A noter que certains corps d’inspection recommandent de tenir compte des conditions même de la continuité pédagogique (risque d’un afflux de demandes concomitantes, plus grande fatigabilité, motivation plus difficile des élèves...) dans la construction des activités proposées.
En ce qui concerne les élèves, il faut garder en mémoire le risque de multiplication des consignes et des demandes qui seraient de nature à les décourager, surtout les plus fragiles. Il convient donc de bien doser, varier les activités et expliciter clairement nos demandes.

=> Pour aller plus loin lire l’analyse du groupe métier sur le site du SNES national.


  • L’ENT (Environnement numérique de travail) est en panne, puis-je utiliser des solutions alternatives qui marchent ?

Plutôt NON et seulement si ces solutions ne nécessitent pas une inscription de la part des élèves.
En effet, tout service qui expose les élèves à une quelconque captation de données par une entreprise ou une association privée, a fortiori sans l’accord écrit des représentants légaux, est à proscrire.
Depuis l’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) la gestion des données personnelles est soumise à un cadre très strict.
Or nous ignorons ce que ces entreprises, qui poursuivent immanquablement un objectif commercial, font de ces données. C’est pourquoi nous recommandons de ne pas exposer les données de nos élèves. Les groupes WhatsApp, Kartable.com, Discord, etc., ne présentent pas les garanties de l’ENT de ce point de vue.
L’ENT de l’établissement demeure donc, en dépit de toutes ses limites, l’outil qu’il convient d’utiliser.
=> Pour aller plus loin, lire l’article du SNES national « Télétravail pour cause de coronavirus : le RGPD s’applique aussi »


  • Quand l’ENT ne marche pas il faut bien que je trouve une solution …

Non ! A l’impossible nul n’est tenu !
Le fonctionnement de l’ENT relève de la responsabilité de l’employeur. Lorsqu’il vient à dysfonctionner, les enseignants n’en sont en rien responsables. D’autant qu’ils sont bien aimables de se connecter depuis leur ordinateur personnel et avec une connexion financés par leurs propres deniers…


  • Comment communiquer alors avec les élèves en dehors de Pronote ou de l’ENT ? Puis-je utiliser Discord, Whatsapp, le mail ou le sms ?

NON ! Sauf si...
C’est une question de légalité et de responsabilité !

Communiquer avec les élèves en dehors de l’ENT sans l’accord écrit des responsables légaux est tout simplement interdit, quel qu’en soit le moyen. Communiquer avec les responsables légaux est possible, uniquement dans la mesure où ils ont donné leur accord. Ce qui suppose que le chef d’établissement vous a communiqué une adresse (mais il peut être utile de s’assurer de leur accord pour être contactés ainsi, car entre renseigner un mail dans un formulaire administratif en début d’année et accepter son utilisation pour des échanges de cours, il y a une marge, variable selon les familles.
A noter, qu’ouvrir un lien direct sur une boite mail personnelle peut éventuellement exposer à certains abus, il convient donc d’être prudent : la seule adresse à utiliser pour les enseignants est leur adresse académique : …..@ac-versailles.fr

C’est une question de respect du RGPD

Les solutions Discord/Whatsapp... dont les élèves peuvent être friands sont à proscrire puisque ces solutions nécessitent une inscription et ne nous permettent pas de garantir la protection des données personnelles de nos élèves.
Pour y recourir il conviendrait de disposer d’une autorisation écrite des représentants légaux.
Il est donc préférable d’avoir recours aux sites gratuits proposés a minima par des acteurs européens et dont les CGU (conditions générales d’utilisation) n’offrent aucun doute quant à la protection des données personnelles et au respect des lois en vigueur.


  • Dois-je continuer à compléter l’ENT si je suis en arrêt maladie ?

NON !
Un arrêt de travail est un arrêt de travail. On ne travaille donc pas, ni en présentiel, ni à distance.


  • Je suis Professeur Principal, dois-je appeler les familles chaque semaine comme mon chef d’établissement l’exige ?

NON !
Il n’y a aucune obligation à se plier à cette injonction. Chaque enseignant reste complètement libre des pratiques pédagogiques qu’il met en place. Chaque professeur principal reste libre d’organiser le lien avec son équipe et avec les familles comme il le souhaite. Et chacun organise le télétravail comme il veut/peut.

  • Personnels de l’Éducation Nationale, mes enfants n’ont pas cours, comment m’organiser pour assurer la continuité pédagogique ?
    Les enseignants étant des parents comme les autres, celles et ceux qui doivent garder leurs enfants, doivent à la fois garder leurs enfants et assurer la continuité pédagogique. Dans bien des cas cela semble compliqué, voire infaisable. A l’impossible nul n’est tenu... Une autorisation spéciale d’absence pouvait être accordée pour les collègues dans cette situation, avant que les établissements scolaires ne soient fermés aux personnels, afin qu’ils puissent garder leurs enfants. Il ne serait pas concevable que de quelconques pressions puissent maintenant être exercées sur eux, sous prétexte que le télétravail est théoriquement possible. A moins de considérer que celui-ci nécessite moins de disponibilité que le travail en présentiel. Or, la réalité est toute autre ! Si vous êtes en difficulté, n’hésitez pas à informer votre chef d’établissement.