Bilan rentrée 2019 lycées

mardi 1er octobre 2019
par  Snes S3 AT

Le Ministre et le ministère de l’Éducation nationale ont beaucoup communiqué sur la qualité de la rentrée scolaire dans les lycées : les craintes n’auraient pas été confirmées, la réforme du baccalauréat s’organiserait sans accrocs significatifs, les vœux de spécialité des élèves auraient été satisfaits... Par une sorte de miracle inattendu, une précipitation jusqu’ici jamais vue et une improvisation généralisée dans le choix des réformes du lycée et du baccalauréat auraient débouché sur une rentrée calme, sereine et satisfaisante pour les personnels et les élèves.

Le SNES Versailles est bien au regret de constater que la pierre philosophale n’a pas été trouvée dans notre académie et donc que le plomb n’est pas devenu or par magie. La rentrée scolaire dans les lycées confirme, au contraire, nos très grandes inquiétudes devant les conséquences d’une réforme à terme destructrice du baccalauréat comme examen national.

=> Ce qui prédomine est un grand sentiment de confusion et de flou que l’on retrouve non seulement parmi les élèves, qui comprennent bien mal l’organisation des années de première et de terminale, mais aussi des enseignants voire des personnels de direction souvent bien incapables de répondre à des questions sur des échéances à court terme. On ne peut dire explicitement comment seront organisées les épreuves communes en janvier : y aura-t-il banalisation comme le SNES et les enseignants le revendiquent pour que les élèves composent simultanément sur les mêmes sujets, lors d’épreuves qui se veulent communes ? Les réponses varient selon les établissements, quand réponse il y a ! Selon notre enquête de rentrée, l’organisation du bac n’a pu être présentée par la direction que dans 37 % des établissements.
Comme la banque dite « nationale » des sujets n’est toujours pas opérationnelle, que les professeurs n’y ont pas accès et qu’une « pénurie » de sujets semble se profiler, les plus grandes inquiétudes sont légitimes sur cette première séquence de mise en route du baccalauréat.

=> Cette inquiétude est renforcée par les premières conséquences de l’application de la réforme telle que la voulait le Ministère. Le refus du moindre cadrage du choix des spécialités et de la recherche d’une certaine cohérence a entrainé une multiplication exponentielle des triplettes de spécialité en première. Il en a résulté une complexité extrême pour construire les emplois du temps des classes. C’est cette complexité qui empêche tout fonctionnement normalement qui explique la mobilisations des enseignants du lycée Einstein à Sainte Geneviève-des-Bois exigeant une refonte des emplois du temps. Ils ont obtenus gain de cause auprès du DSDEN 91.
Les classes de lycée accumulent donc les heures de trou et connaissent un accroissement de l’amplitude horaire de présence dans les établissements. La généralisation de la fin des cours à 18 h 30, y compris le mercredi après-midi, voire la réouverture du samedi matin, a commencé dès cette rentrée dans certains lycées.

=> Par ailleurs, la fin du « groupe classe » se dessine aussi déjà en première générale  : les cours en commun en première sont réduits à la portion congrue et durant les spécialités les élèves sont dispersés en de nombreux groupes constitués de plusieurs classes. Les professeurs principaux ont pour fonction de suivre une classe qui n’en est plus vraiment une, avec un nombre de professeurs extrêmement important (de 25 à 26 par classe de première au lycée Évariste Galois de Beaumont sur Oise) du fait de la multiplication des spécialités qui ne concernent souvent que quelques élèves. D’une certaine manière, c’est la fin des équipes pédagogiques. Les conseils de classe ne verront la présence que de quelques professeurs du tronc commun, les professeurs de spécialité ne pouvant être physiquement présents à tous les conseils des classes dans lesquelles ils enseignent.

=> Reconnaissons toutefois une réussite à la réforme du lycée. Mais ce n’est pas une réussite pédagogique mais une réussite comptable : faire des « économies des échelles » dans la constitution des classes qui n’ont jamais été aussi pleines dans l’académie. Certes, cet objectif n’a jamais été officiel, mais il était pourtant bien réel. La fin des filières a permis de charger et surcharger les classes. 35 élèves par classe en lycée devient systématiquement la norme mais l’on va fréquemment bien au delà. Les choses devraient s’aggraver dans les semaines à venir dans certains départements où de nombreux doublants n’ont pas été encore affectés tout particulièrement dans le Val d’Oise (1000 élèves non affectés à la rentrée). La constitution à la dernière minute de classes de doublants est un danger sur lequel le SNES Versailles appelle à la plus grande vigilance.

=> Dans l’académie de Versailles, une autre donnée a empire les conditions de la rentrée : le choix de la région d’Île de France de généraliser l’usage des manuels numériques dans les lycées par l’achat et la distribution de tablettes tactiles. Cette généralisation est obligatoire dans les lycées professionnels, mais relève du volontariat dans les lycées généraux et technologiques. Ainsi certains de ces établissements ont fait ce choix. À ce jour, à moins que les lycées n’aient « profité » d’une remise solennelle de tablettes par la présidente de la région comme au lycée Jean Jaurès à Argenteuil, Valérie Pécresse, venue généreusement promouvoir une mesure qui est la sienne, les tablettes ne sont toujours livrées dans les établissements. Et une fois livrée, les inconnus persistent : problème de téléchargement des manuels numériques gourmands en bande-passante, problème de la recharge des batteries tout aussi gourmandes en électricité, usure rapide de tablettes servant quotidiennement, bris prévisibles etc. Un cycle de rachat des tablettes est à prévoir dans quelques années ce qui ne fera que surenchérir sur les coûts.
Dans ce capharnaüm global, la question essentielle disparait : quels est la plus-value pédagogique pour les élèves qui auront, à la première ouverture de la première application, surtout l’opportunité de voir une vidéo d’auto-célébration effectuée par Valérie Pécresse elle-même ? Cette dernière a-t-elle en tête la réussite des élèves ou surtout de petites visées électoralistes ?
La majorité des lycées généraux et technologiques a toutefois préféré éviter l’écueil des manuels numériques et conserver des manuels physiques. Pour des raisons différentes, ces derniers se font attendre : la précipitation dans les changements de programme imposée par le ministère a évidemment surchargé le travail des éditeurs et des imprimeurs. Les photocopieuses tournent donc à plein dans les établissements pour compenser cette absence dans les classes de seconde et première. Et pourtant l’on continuera à enseigner les impératifs de développement durable au lycée !

Le SNES-FSU Versailles dénonce une rentrée calamiteuse dans des conditions imposées autoritairement et qui ne laissaient aucune vraie solution satisfaisante. Certains lycées de l’académie se sont mis en grève pour protester contre des conditions de rentrée inacceptables (manque de professeurs, emplois du temps ubuesques) comme le lycée Newton à Clichy ou le lycée Einstein à Sainte-Geneviève-des-Bois. Le SNES-FSU Versailles est aux côtés des collègues de ces établissements pour qu’ils obtiennent satisfaction.