La hausse de la CSG ? Pour quoi faire ? Au profit de qui ?

lundi 20 novembre 2017
par  Snes S3

La logique affichée pour justifier l’augmentation de la CSG est celle d’un « effort intergénérationnel » des retraités au profit des « jeunes ». La hausse de 1.7 % de la CSG (sans compensation à l’inverse des actifs) financerait ainsi la suppression des cotisations salariales des salariés actifs.

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Cette augmentation concerne les retraités « aisés » (sic) c’est-à-dire, sur la base des seuils actuels du revenu fiscal de référence (1) , pour toute pension d’un montant mensuel net supérieur selon les cas à 1289 € (une personne seule moins 65 ans), 1394 € (une personne seule plus de 65 ans sous condition de ressources) ou 1978 € pour un couple.

  1)Hausse du pouvoir d’achat des actifs ?

  • pour les fonctionnaires, il ne reste plus qu’une simple compensation de la hausse de la CSG, et surtout, loin de la hausse promise du pouvoir d’achat, le nouveau blocage du point d’indice ne peut que conduire à une nouvelle baisse en 2018.
  • dans le secteur privé, la suppression des cotisations salariales (3.15% contre 1.7 % de CSG) assure une hausse théorique du salaire net, le salaire brut, lui, n’augmente pas. De plus, elle fait peser de lourdes menaces sur les prestations qu’elles garantissaient : cela se confirme avec la réforme de l’assurance chômage qui s’annonce lourde de dangers pour les travailleurs (2) par le projet d’étatisation et la baisse des prestations. ; cela se voit dans les transferts massifs vers les complémentaires entraînées par les coupes budgétaires dans l’Assurance-Maladie.
  • au final, il est fort probable que, en plus des retraités et des fonctionnaires, les salariés du public et du privé soient perdants à moyen terme.

 2)Que devient l’argent de la CSG ?

De 2017 à 2018 l’augmentation de la CSG représente un volume considérable (3) :globalement 22.5 milliards € de recettes supplémentaires.

Apport supplémentaire CSG 2018 22.5 milliards €
Dont actifs 15.9 milliards €
Dont revenus remplacement 4.5 milliards €
Dont revenus capital 2.1 milliards €

Remarques :

  • 1. pour les revenus du capital, la charge supplémentaire est annulée du fait du Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) à 30 %. Il y a bien hausse à 17.2 % des cotisations sociales sur ces revenus, mais cela est compensé par une diminution équivalente de leur impôt.
  • 2. les retraités sont donc les seuls contributeurs nets pour un montant conséquent (4.5 milliards)

Or pour 2018, cet argent destiné à assurer des ressources à la sécurité sociale, est utilisé à d’autres usages, ce qui est vérifié à la lecture du PLF et du PLFSS.

 3)Un décalage providentiel

  • la baisse des cotisations sociales se fait en deux temps, au 1er janvier et au 1er octobre 2018. Par contre la hausse de la CSG est effective au 1er janvier 2018.
  • le différé au 1er octobre 2018 de la deuxième tranche de la suppression des cotisations sociales permet à l’Etat de récupérer un excédent brut de recettes de 5,9 Milliards € qui n’est pas reversé au budget de la Sécurité Sociale (4) . Cet excédent est ainsi compté au débit de la Sécu, ce qui modifie les relations financières globales Sécurité Sociale-Etat.
  • certes l’opération CSG génère par ailleurs un coût de 2.1 milliards € pour l’Etat du fait de la compensation de la CSG pour les fonctionnaires actifs, mais il reste à l’arrivée pour 2018 un gain net pour l’Etat de 3.8 milliards € (5,9-2.1)

Avec la suppression des cotisations sociales et leur remplacement par la CSG, le gouvernement s’est autorisé à détourner une partie des recettes vers tout autre chose pour combler dans le budget de l’Etat les trous que d’autres mesures y ont creusé.

 4)Le budget 2018 : Noël pour les milliardaires

-ISF : sa suppression génère un manque à gagner qui est évalué à 3.2 Milliards € par Bercy. Le gain de cette mesure se concentre sur 3000 familles, avec un effet moyen de 600 000€ par foyer (5)

-PFU  : il plafonne à 30 % les prélèvements fiscaux et sociaux sur les revenus du capital. Compte tenu des prélèvements sociaux (17.2 %) cela signifie un prélèvement fiscal à 12.8 % inférieur à la première tranche fiscalisée de l’IR, qui est de 14% (et qui frappe chaque euro de revenus compris entre 9.710 € et 26.818 €).

Le manque à gagner est évalué à 1.3 Milliards € pour 2018 et 1.9 milliards € pour 2019. Selon certaines études, cela pourrait être à terme bien plus (Gabriel Zucman , économiste à Berkeley, évoque un coût à terme de 10 milliards).

  • le manque à gagner total (ISF +PFU) pour 2018 est de 4.5 Milliards € (source PLF page 26)

4.5 milliards perdus d’un côté, 3.8 milliards récupérés de l’autre.

La conclusion est accablante : sont ponctionnés les retraités au nom de la « solidarité » avec les jeunes, les emplois aidés, les APL, les services publics (hôpitaux…).

Et qui sont les gagnants de ces mesures ? Les ultra-riches dont on sait qu’ils sont les champions de l’optimisation financière et de l’évasion fiscale. Réclamer qu’ils contribuent à la hauteur de leurs moyens serait-il faire la preuve d’une « jalousie » déplacée ?

Visiblement, certains ignorent qu’il y a eu une nuit du 4 Août 1789 qui a aboli les privilèges et qu’il y a toujours une déclaration des droits de l’homme et du citoyen, annexée à la Constitution (6).

Notes

1).14404 € pour une personne seule , 22096€ pour un couple cf avis impôt 2017

2).le salaire , ce n’est pas seulement le salaire net mais aussi le salaire brut qui assure par les cotisations, salariales et patronales le financement de besoins essentiels (l’assurance maladie par exemple)

3). source

http://www.securite-sociale.fr/IMG/...
page 25 IV. Evaluation des impacts1. Impact financier global

.4). sources

  • PLF « Relations financières entre l’État et la sécurité sociale » (page 99), « Tout d’abord, il vise à transférer à l’État le surplus ponctuel de recettes résultant de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la baisse, en deux temps, des cotisations salariales maladie et chômage (estimée à 5,9 Md€). » https://www.performance-publique.bu...
  • PLFSS annexe 6 Relations financières entre la sécurité sociale et les autres administrations publiques http://www.securite-sociale.fr/IMG/...
    page 25 Bilan de l’ensemble des transferts entre l’État et la sécurité sociale (en Md€)
  • 2.2.1.1. La compensation de la mesure en faveur du pouvoir d’achat des actifs
    « Ce schéma se traduit par un excédent global de 5,9 Md€ pour la sécurité sociale. Ce surplus est restitué à l’Etat, ce qui permet de compenser pour ce dernier l’impact de la suppression de la CES et de la mise en place de primes dans la fonction publique d’Etat, en contrepartie de la hausse de la CSG. Le surplus net de recettes en 2018 de 3,8 Md€ lié à cette mesure sera conservé ainsi par l’Etat. Il est toutefois provisoire, l’exonération de cotisations d’assurance-chômage n’ayant un coût en année pleine qu’en 2019, ce qui impliquera de réviser le montant de ces transfert dans les lois financières »
  • http://www.assemblee-nationale.fr/1... article 18 page 206
Hausse de la CSG 22,4`
Baisse des cotisations salariales maladie -4,7
Baisse des cotisations salariales chômage compensée par l’Acoss ‐9,4
Baisse des cotisations des travailleurs indépendants ‐2,3
Mesures de compensation dans la fonction publique ‐0,6
Impact sécurité sociale 5,4
Autres effets (dont non compensation des baisses de cotisations sur les exploitants agricoles) 0,4
Transfert à l’Etat au titre de la mesure CSG 5.9

5) les 500 plus grandes fortunes françaises ont connu une progression de 30 % de 2016 à 2017 et ont été multipliées par 7 en 20 ans (de 80 milliards € à 570 milliards €)

6) Art. 13. Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.