Petit manuel de la manipulation des résultats de la mobilisation du 19 mai par le Gouvernement et les soutiens de la réforme du collège

jeudi 21 mai 2015
par  Snes S3 MRP

 Comment sont calculés les chiffres de grève dans l’Education nationale ?

Le Ministère utilise une machine à falsifier les chiffres : l’application Mosart

Mosart joue faux
Mosart joue faux
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En 2009, le Ministre Chatel a mis en place un nouvel outil de recueil des taux de grève dans les établissements alors que la contestation de la politique gouvernementale battait son plein : MOdule de Saisie des Absences et des Retenues sur Traitement (MOSART).

Les chiffres sont manipulés par trois biais dans le but de minorer leur ampleur :

  • Sont appliqués au nombre de grévistes recensés par le C/E un même dénominateur, celui de l’ensemble des personnels en exercice dans l’établissement et non ceux en service. Un enseignant en congé maladie est considéré comme non gréviste, un enseignant gréviste ayant cours l’après midi de même parce que recensé après l’heure de remontée...
  • Ne sont retenus par le Ministère pour calculer le taux des grévistes que des établissements dits représentatifs sans aucun doute judicieusement choisis
  • Enfin le décompte s’effectue en englobant toutes les catégories de personnel, enseignants et non enseignants, y compris les C/E

Autrement dit, une grève à 100% dans un établissement, avec une telle base de calcul devient pratiquement une grève minoritaire.

Le SNES-FSU procède autrement : des remontées en fonction du nombre d’attendus dans les établissements

Le SNES-FSU calcule les chiffres de grévistes sur le nombre de personnels attendus à une heure dite, la deuxième heure de cours en général, dans les catégories concernées par l’appel à la grève. Ce sont des militants dans l’établissement qui, après contact avec le C/E, les font remonter. Le taux annoncé, comme celui du MEN, se fonde donc sur un échantillon à valeur représentative. Mais sa base renvoie à la réalité de ce qu’est une grève, à savoir un arrêt de travail.

 La grève et la manifestation du 19 mai : une mobilisation « passable » ou forte ?

Avec plus de 50% de grévistes en collège et 10000 manifestants à Paris en région parisienne, la participation à l’action du 19 mai, a été très forte, traduisant un rejet profond de la réforme du collège. A périmètre équivalent pour comparer ce qui est comparable, le tableau ci-dessous permet de mesurer la force de cette mobilisation sectorielle. La faiblesse des chiffres en lycée s’explique en grande partie par la la proximité du bac et des procédures d’orientation. Celle-ci met d’autant plus en relief le nombre élevé de participants à la manifestation régionale parisienne.

DatePlateformePérimètreTaux de grève MENTaux de grève SNESNombre de Manifestants PoliceNombre de manifestants SNES
19/05/2015 retrait réforme collège SNES/SNEP/FO/CGT/SUD 27,94% collège/ ????lycée 50% collège/20%lycée entre 3200 et 3600 10000
15/12/2011 retrait décret évaluation Unitaire 16,4% (lycée et collège) 47% (lycée et collège) 3200 7500
20/03/2007 retrait décret De Robien Unitaire moins le SGEN 18,62% collège/21,17% lycée 36% collège/42% lycée  ?????  ?????
18/12/2006 retrait décret De Robien Unitaire 37,41% collège et 39,03% lycée 55 % collège/53 % lycée 3000 10 000
04/10/2005 suppressions de postes et loi Fillon unitaire  ????? 56% collège/48%lycée  ????  ????
15/03/1999 Allègre, réforme du lycée SNES/SNEP/FO/SNALC 42% collège/35% lycée 50 à 60% lycée et collège  ????? 8000


NB : La mise en place de MOSART créée une discontinuité pour apprécier sur la durée les chiffres du MEN.

 Une appréciation d’une partie de la presse guidée par l’objectivité ou des partis pris ?

Que le Gouvernement et les organisations syndicales qui soutiennent la réforme du collège cherchent à minorer la force du mouvement est déjà condamnable en soi car cela dénote une conception autoritaire de l’exercice du pouvoir pour les uns et bureaucratique du syndicalisme pour les autres.

Mais quand une partie de la presse décide à ce point d’ignorer la réalité des chiffres et se refuse à les inscrire dans une perspective historique et critique pour se faire le relais des infographies et des éléments de langage gouvernemental, on peut se poser des questions sur son indépendance.


Quelques illustrations :

Alors que les niveaux de mobilisation sont similaires ou dépassent ceux des grandes périodes d’affrontement entre la profession et le pouvoir dans un périmètre équivalent sur la question des orientations éducatives, voici des titres récurrents : « Mobilisation passable » (http://www.liberation.fr/societe/20...), « petit bide » (http://www.liberation.fr/societe/20...), « mobilisation en demi teinte » (http://www.bfmtv.com/societe/greve-...)....

Les motivations en sont différentes : pour Libération qui a pris fait et cause pour la réforme (voir son dossier en ligne : http://www.liberation.fr/REFORME-DU...,100514), il s’agit de nier l’ampleur de la contestation de la profession, pour BFM de mettre encore et toujours l’impuissance des syndicats en avant... Mais cela relève de l’idéologie et non de l’information.

A des hauteurs de mobilisations équivalentes, Libération a ainsi pu titrer en d’autres temps :

  • "Les profs sèchent les cours pour sauver leur temps de travail
    Net succès de la grève contre le projet de décret de Gilles de Robien", pour la grève du 18 décembre (http://philippe-watrelot.blogspot.f...)


Tout cela ne fait qu’illustrer la nervosité et les difficultés d’un camp qui a décidé de faire une réforme contre l’intérêt des élèves et contre les attentes de la profession. Et c’est un encouragement à poursuivre le travail d’information et de mobilisation pour ne pas laisser aux réactionnaires qui veulent casse le collège la contestation de la réforme.