« AMBITION RECRUTER ? » ENTRE FOURVOIEMENTS ET IRRESPONSABILITE

mardi 19 février 2013
par  Secteur entrer dans le métier

Ne nous laissons pas abuser par la grande campagne de communication lancée par le Ministère de l’éducation nationale « Ambition, enseigner », les choix de V. Peillon ne sont pas à la hauteur des défis.

 EN L ABSENCE DE MESURES EFFICACES : UNE CRISE DU RECRUTEMENT QUI S’AGGRAVE

Comme chaque année les résultats aux concours montrent l’ampleur de la crise du recrutement. 1139 admissibles pour 1000 postes au CAPES de Lettres Modernes (soit 1,139 admissibles par poste), 1326 admissibles pour 1210 postes au CAPES de mathématiques (1,09 admissibles/poste), en SVT : 1,7 admissibles par poste. Et déjà 92 postes perdus en Lettres classiques, 14 en Musique par exemple.

Ainsi « l’appel d’air » prévu par le Ministre ne s’est pas produit. La rentrée 2013 se fera donc dans le contexte d’une crise de recrutement encore aggravée  : de nombreux élèves seront sans professeurs de mathématiques, de français, d’anglais notamment...

Cette situation est le résultat de choix politiques irresponsables  : le Ministre a choisi d’augmenter les postes aux concours (hors agrégation) mais sans se donner les moyens d’attirer les étudiants, ni de sécuriser la préparation aux concours. Au lieu des pré-recrutements nécessaires, le Ministre a préféré des pis-allers permettant de faire des économies sur le dos des étudiants en les utilisant comme moyens d’enseignement.

  • Les maigres aides mises en place par Châtel avaient été supprimées par Peillon, il a fallu la mobilisation de la FSU et de l’Unef pour qu’elles soient rétablies. Rien d’autre n’a été mis en place : ni bourses renforcées et élargies, ni allocations d’études.
  • Les EAP (emploi d’avenir professeur), ne peuvent en aucun cas être assimilés à des pré –recrutements, ils ne permettent pas non plus une démocratisation de l’accès au métier. Au contraire ils créent une nouvelle catégorie de personnels précaires, sous payés et recrutés sous contrat privé par le chef d’établissement. Le succès des EAP est d’ailleurs très limité : pour Versailles par exemple 126 dossiers retenus pour 150 déposés (dans le Premier degré), une dizaine seraient prévus dans le second degré.
  • Quant au dispositif dit « concours transitoire » (écrits en juin 2013 et oraux en juin 2014) : il s’apparente plus à un pari aventureux et nocif qu’à une réelle réponse aux besoins. Les admissibles au concours transitoire pourront (ce n’est pas obligatoire) assurer un tiers de service en tant que contractuels.
    Le dispositif est nuisible à de nombreux titres : les étudiants sont utilisés comme moyen d’enseignement sans autre formation que la formation « sur le tas », pour le moment aucune garantie d’une rémunération à hauteur de la qualification n’est donnée, ils devront préparer les oraux, valider leur master 2 (avec recherche et mémoire), valider le CLES et le C2i2E et préparer leur cours !
    Face à cette « mission impossible » nul doute que de nombreux admissibles choisiront, s’ils le peuvent financièrement, de ne pas assurer les heures de cours ou abandonneront en cours d’année.

Ainsi loin de l’ambition de recrutement et de démocratisation de l’accès au métier, le dispositif ne résout aucun problème : élèves sans professeurs encore plus nombreux, absence de rétablissement d’une réelle formation, importants risques d’échec aux oraux, exploitation et prise en otage des admissibles (notamment les plus fragiles socialement et financièrement qui ont impérativement besoin d’argent).

Dans l’académie de Versailles nous avons tristement expérimenté ce dispositif (appelé alors, sous Châtel, master en alternance) : les étudiants ont payé le prix fort, en échouant au concours pour la majorité (alors qu’ils avaient été admissibles l’année précédente) !!

 LA REFORME DE LA FORMATION DES MAITRES ? LE MINISTRE FAIT FAUSSE ROUTE

Quant au dossier de la formation des maîtres à partir de 2014, le Ministre se fourvoie encore : il prévoit la mise en place des Meef (master de l’éducation et de l’enseignement), dont les Espé (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) seraient en charge.

Le concours, qui deviendrait un concours professionnel, serait placé à la fin du M1. L’année de stage avec un service à 50% permettrait la validation du diplôme M2 délivré par les Espé.

Cette conception constitue un retour en arrière par rapport à l’exigence d’un haut niveau de qualification pour nos métiers que défend le SNES : en effet les contenus scientifiques universitaires verraient leur part considérablement régresser (à la licence et au M1 qui risque de se résumer à une préparation au concours). De plus, pour le Second degré (et l’enseignement supérieur) la mise en pLace d’un cursus enseignement avec un concours professionnel risque d’accroitre la crise du recrutement en interdisant aux étudiants présentant des trajectoires diverses (notamment cursus « Master recherche ») de réussir le concours.

 DES SOLUTIONS EXISTENT

Pourtant les solutions existent. La FSU et le SNES ont des propositions concrètes et réalisables. Pour les entendre M. le Ministre doit changer de méthode : cesser la politique du fait accompli sans concertation, et remettre en discussion ces questions en toute transparence.

Pour le SNES et la FSU la résolution de la crise du recrutement et la démocratisation de l’accès au métier passent notamment par :

  • la mise en place de pré-recrutements à toutes les étapes du cursus (dès la licence),
  • par un plan pluriannuel de recrutement,
  • par le rétablissement d’une réelle formation assurée par l’employeur,
  • par une revalorisation salariale de nos métiers.

Garantir à la jeunesse de notre pays une formation assurée par des professeurs en nombre et hautement qualifiés pour relever les défis de l’avenir nécessite un courage politique et un investissement budgétaire que le SNES et la FSU continue d’exiger.