Témoignage de Charlotte

Professeur stagiaire à Versailles
lundi 23 mai 2011
par  Secteur entrer dans le métier

Bilan d’une année dans la peau d’un professeur stagiaire

Cette année s’est passée bien difficilement et elle a consisté à « sauver les meubles » ce qui n’est pas un bilan normal quand on a toujours voulu être professeur et après avoir décroché le précieux sésame.

Il faut s’habituer à un niveau de stress et de précarité intense dès la première année d’entrée dans le métier.

Mon premier mois a tout simplement été horrible. Je suis arrivée le 6 septembre devant les élèves complètement paniquée, et déjà fatiguée pour le reste de l’année, sans aucune séquence de prête ; ne sachant même pas vraiment ce que signifiait le mot « séquence », et surtout avec le sentiment d’assister à une grande mascarade (dont j’étais la principale victime). Je ne suis quasiment pas sortie de chez moi les mois qui ont suivis la rentrée, pour tenter de rattraper mon retard sur la préparation des cours, sans jamais me remettre du fait que mon établissement m’avait refilé 3 niveaux (6e, 5e, 4e) ce qui représente une surcharge de travail titanesque, surtout lorsqu’on débute, et sans formation.

J’ai vite compris que la gestion des classes dépendrait directement du contenu de mon cours. Le problème c’est que lorsque votre année de formation est sacrifiée, et qu’en Janvier vous ne savez toujours pas vraiment comment faire un cours (une « séquence »), il vous arrive très souvent de manquer de contenu dans vos cours et donc d’avoir des problèmes de discipline.

Mais je suis sûre que l’autorité s’apprend aussi et j’aurais beaucoup aimé avoir plus qu’une seule journée de formation sur le thème de la gestion de classe. Ou tout simplement avoir moins d’heures de cours cette première année pour me laisser le temps de digérer à froid mes problèmes de gestion de classe, au lieu d’enchaîner mes 16h heures de cours (au lieu des 6h l’an passé).

Car notre formation cette année a bel et bien été sacrifiée. Nous avons avec mes autres collègues stagiaires le sentiment d’avoir été bazardés comme des malpropres dans nos établissements, complètement isolés les uns des autres. Notre premier jour de formation a eu lieu le 16 octobre (!) soit un mois et demi après la rentrée. Comment alors ne pas penser qu’on se moque de nous ? Quand au contenu de la formation il est tellement risible et ridicule. Notre académie nous avait promis 2 semaines entières de formation courant Mars (au troisième trimestre, une fois l’année presque terminée, merci...). Ces deux semaines ce sont transformées en 4 journées de formation (!), toutes matières confondues, tous niveaux confondus, en présence aussi bien de professeurs agrégés que de CPE.

Le seul véritable point positif de cette année a été pour moi la présence à mes cotés d’une tutrice expérimentée. Le seul problème de ce système de tuteurs c’est que nos emplois du temps se chevauchent et il m’est difficile d’aller observer ses cours absolument toutes les semaines, en plus de mes classes et de mon emploi du temps déjà surchargé. L’aide de ma tutrice m’a cependant été très précieuse cette année, autrement plus précieuse que celle prodiguée lors d’une visite « conseil » particulièrement désagréable d’une chargée d’inspection qui n’a pas du tout semblé prendre en compte la difficulté de cette année de stage sans formation, et qui s’est livrée à une entreprise de démolition de mon travail et de mon moral. Pourquoi démoraliser une stagiaire qui fait de son mieux depuis le début de l’année et qui a vraiment l’impression de sauver les meubles si ce n’est peut être pour pousser les plus faibles à la démission ?

Une fois la colère et les larmes passées, c’est une amère déception qui émerge, déception immense d’être méprisé au plus haut point par son propre ministère, après m’être investie durant tant d’années d’études pour un métier que je chérissais. Les enseignants sont livrés à eux-mêmes pour le meilleur et surtout pour le pire, dans des conditions d’entrée dans le métier décourageantes et qui mettent l’école de la république en péril. Je suis fière de dire aux gens qui me demandent quel est mon métier, que je suis professeur. Mais cette république qui a méprisé et sacrifié ma formation cette année, est-elle fière de moi ?