programme histoire geo seconde

lycée deuil la barre
mercredi 10 février 2010
par  Snes S3

Programmes d’histoire et de géographie de la classe de Seconde une expression

le texte au format word

  • Les nouveaux programmes d’histoire et de géographie de la classe de Seconde, proposés à la hâte dans le cadre de la préparation de la réforme du lycée, sont à la fois matériellement inapplicables (plus longs que les anciens programmes, ils sont censés être traités avec une heure de moins) et inacceptables d’un point de vue pédagogique et épistémologique.
  • Dans leurs objectifs généraux, ces programmes, qui s’inscrivent dans la même ligne que le socle commun des connaissances mis en place au collège, sont une apologie de la misère intellectuelle, le rôle de l’école se limitant désormais à survoler les différents champs de la culture dans le but de mettre en place des savoirs et des savoir-faire minimalistes adaptés à la stratégie d’économies budgétaires du gouvernement.
  • Le programme d’histoire, intitulé « les Européens dans la diversité des mondes du passé » se donne, dans l’introduction au texte de présentation, le fil conducteur suivant : « approfondir la connaissance de la diversité des mondes du passé et […] inscrire l’histoire des Européens dans cette diversité ».
  • Outre le fait qu’il suffit de parcourir rapidement la liste des thèmes pour se rendre compte de l’impossibilité d’approfondir quoi que ce soit, l’ensemble consiste en une série de sauts de puce, d’une période et d’un espace à l’autre, dans une vision patrimoniale et touristique du passé. En effet, que signifie cette « nécessité de faire sentir aux élèves que des mondes ont été « perdus » ou qu’il n’en reste plus que quelques traces » ?
  • Quel rapport avec le truisme qui dit « qu’il est impossible d’appréhender le passé à travers le prisme exclusif du présent » ? Outre le caractère extrêmement simpliste de la proposition (viendrait-on expliquer aux professeurs d’histoire l’irréductibilité du passé au présent ?), n’y a-t-il pas là une forme de fossilisation du passé, limité à ses reliques patrimoniales, et ce, à rebours de la logique ancienne d’un programme de Seconde qui se donnait précisément pour objet l’étude des fondements du monde contemporain ?
  • S’agirait-il de couper l’enseignement de l’histoire de celui du présent (surtout, ne faisons pas de politique) et de promener les élèves sur la carte du passé comme un conférencier traîne ses touristes sur un site archéologique ? Car c’est bien la seule perspective qui est proposée, sous l’apparente intention d’explorer la pluralité des temporalités et des échelles.

-Quant à la centralité de l’Europe, on ne cherche même pas à la dissimuler, puisqu’il s’agit de faire faire aux petits Européens la découverte enchantée des « mondes passés » ! Mondes figés, qui ont évacué l’Islam, dont il ne reste qu’une étude de cas sur Constantinople-Istanbul (et encore, comme carrefour des civilisations) dont on voit mal comment on pourrait y consacrer plus d’une heure à une heure et demie. Et tant pis si une bonne partie de nos élèves vient de la culture de l’Islam.

  • Quand à la « découverte du monde », limitée aux voyages de Magellan, elle est posée comme l’un des éléments de « l’élargissement des horizons des Européens ». Après tout, quel intérêt des autres espaces de la planète et de leurs habitants que de compléter la carte européenne du monde ? Européo-centré, le programme d’histoire de seconde reste encore celui d’une histoire de l’humanité qui est celle des hommes. Et tant pis pour l’histoire des femmes, tant pis encore pour les problématiques du genre ou pour l’étude des minorités.

Si l’introduction prétend que le programme place « au cœur des problématiques les hommes et les femmes qui constituent les sociétés et y agissent », on a beau chercher les femmes, il faudra se contenter du choix qui nous est donné, dans le cadre du chapitre sur le Moyen-âge, entre Hildegarde de Bingen et Bernard de Clairvaux et entre Galilée, Emilie du Châtelet et James Watt (et que dire de la cohérence des alternatives proposées) !

  • Enfin, pourquoi ce programme donne-t-il tant l’impression de vouloir à tout prix figer le passé pour le couper du présent ? L’exemple caricatural est sans doute celui de « la civilisation rurale dans l’Occident chrétien médiéval du IXè au XIIIè s. ». Dans ce thème, où les hommes travaillent la terre, prient et se livrent aux cérémonies et rites de la chevalerie et de l’amour courtois, on donne à voir un Moyen-âge sans villes, sans liens avec l’extérieur, mais surtout, sans enjeux de pouvoir ! Pourquoi ne pas renvoyer les élèves à une production culturelle pourtant foisonnante plutôt que de venir apporter la caution de l’école au fantasme agraire d’un monde figé et d’une société sans politique ?

Quand au programme de géographie, « l’humanité en quête de développement durable », on ne peut que s’étonner de la façon dont il intègre la notion de développement durable, posée d’ailleurs comme l’unique approche possible de l’écologie. Mais c’est qu’on est bien loin de la géographie, et plus près de l’approche instrumentale de la nature qui caractérise aujourd’hui le discours du politiquement correct. Voila que les rapports entre l’homme et le milieu se limitent désormais à « [mettre] en relation le développement humain avec les potentialités de la planète ».

  • Le développement durable, réapproprié par le discours dominant, est de toute façon devenu cette « autre façon de lire le monde, de le penser, de le gérer », on aurait presqu’envie d’ajouter, « propre au système capitaliste ». C’est que l’école fait son Grenelle de l’environnement et fait de l’ancienne science qu’était la géographie une forme d’éducation civique. « La démarche géographique : une contribution essentielle à l’éducation au développement durable », nous dit le titre de la seconde partie de la présentation.
  • S’il faut encore se persuader que c’est bien un « management » de la planète qu’il s’agit d’apprendre à nos élèves, il suffit de voir les modifications que le nouveau programme apporte à l’ancien. Peu de choses disparaissent en apparence : un chapitre, autrefois facultatif, sur les montagnes, un autre, sur les risques, qui passe d’obligatoire à facultatif. Contre quelles nouveautés ? Un chapitre sur « l’enjeu énergétique » et un autre sur « les mondes arctiques, « une nouvelle frontière pour la planète » ».
  • Voici que la fonte des glaces ouvre des fronts pionniers, bien plus intéressants, dans la perspective du thème 4, « Gérer les espaces de la planète », que les espaces montagnards, bien moins rentables dans le nouvel espace mondialisé. Il faut bien faire des choix ! Quand aux risques, c’est bien la problématique même de leur étude qui change. On passe des « sociétés face aux risques » aux « espaces soumis aux risques majeurs ». Tiens donc. Ce ne serait donc plus la planète, mais des espaces circonscrits, qui seraient soumis au risque, qui n’est plus l’objet d’une approche globale. Rien d’étonnant alors que son étude devienne facultative ! Mais que faire alors du « global warming ? »
  • Un passé sans présent et une planète qui se gère comme un portefeuille. Comment peut-on proposer aux professeurs d’histoire-géographie l’application d’un programme qui, outre le fait qu’il soit idéologiquement plus que marqué, se pose en contradiction avec les fondements mêmes des disciplines scientifiques qu’ils sont censés enseigner et se place à des années lumière de la recherche universitaire ?

Il ne s’agit pas seulement d’une attaque supplémentaire (qui vient s’ajouter à la réforme de la formation des enseignants et au recours croissant à des personnels précaires qui disposent d’une formation inférieure à celle exigée pour les titulaires) contre le niveau de l’enseignement.

C’est bien à une remise en cause du travail même du professeur que nous sommes confrontés. D’historien ou de géographe formé dans les universités, il devient le simple transmetteur d’un discours non-scientifique destiné à relayer le pouvoir.

D’ailleurs, on fait mine de prendre l’avis des professeurs sur les programmes. Mais sachant que les éditeurs en ont pris connaissance avant nous et que les manuels seront bientôt sous presse, quelle est l’utilité d’une telle consultation ? Le ministère chercherait-il à nous tromper sur son refus d’entendre nos arguments sur des programmes dont il sait pertinemment qu’ils sont incohérents ? Et quand bien même, quelle autre réponse pourrions-nous donner à notre hiérarchie que la suivante : nous avons bien peur qu’il ne nous soit très difficile de mettre en œuvre les programmes qui nous sont proposés.

« Après consultation, un groupe de professeurs d’histoire géographie
du lycée Camille ST Saens , à l’initiative du Snes »
lycée Camille Saint-Saëns, Deuil-la-Barre, Val-d’Oise.